Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/253

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pour la religion, de voir les révérends pères tenir boutique, comme le dernier de nous… Moi, n’est-ce pas ? je ne vais pas partager l’argent de leurs messes, ni demander mon tant pour cent sur les cadeaux qu’ils reçoivent ? Alors, pourquoi se mettent-ils à vendre de ce que je vends ? Notre dernière année a été médiocre, à cause d’eux. Nous sommes déjà trop, tout le monde trafique du bon Dieu à Lourdes, si bien qu’on n’y trouve même plus du pain à manger et de l’eau à boire… Ah ! monsieur l’abbé, la sainte Vierge a beau être avec nous autres, il y a des instants où les choses vont très mal !

Un voyageur le dérangea, mais il reparut, au moment où une jeune fille venait chercher madame Majesté. C’était une fille de Lourdes, très jolie, petite et grasse, avec de beaux cheveux noirs et une figure un peu large, d’une gaieté claire.

— Notre nièce Appoline, reprit Majesté. Elle tient depuis deux ans notre magasin. Elle est la fille d’un frère pauvre de ma femme, elle gardait les troupeaux à Bartrès, lorsque, frappés de sa gentillesse, nous nous sommes décidés à la prendre ici ; et nous ne nous en repentons pas, car elle a beaucoup de mérite, elle est devenue une très bonne vendeuse.

Ce qu’il ne disait pas, c’était que des bruits assez légers couraient sur Appoline. On l’avait vue, avec des jeunes gens, s’égarer le soir, le long du Gave. Mais, en effet, elle était précieuse, elle attirait la clientèle, peut-être à cause de ses grands yeux noirs qui riaient si volontiers. L’année d’auparavant, Gérard de Peyrelongue ne quittait pas la boutique ; et, seules, ses idées de mariage l’empêchaient sans doute de revenir. Il semblait remplacé par le galant abbé Des Hermoises, qui amenait beaucoup de dames faire des emplettes.

— Ah ! vous parlez d’Appoline, dit madame Majesté, de