Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/276

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balcon de l’appartement qu’ils avaient loué, dans une maison neuve, dont les fenêtres donnaient sur les pelouses du Rosaire. Ils occupaient là le premier étage, meublé avec tout le luxe que Lourdes avait pu fournir, des tapis, des rideaux ; sans compter le personnel de domestiques envoyé à l’avance de Paris. Et, comme il faisait beau temps, on avait roulé au plein air la malade, allongée dans un grand fauteuil. Elle était vêtue d’un peignoir de dentelle. Le mari, toujours en redingote correcte, se tenait debout à sa droite ; tandis que la sœur, habillée divinement, en mauve clair, s’était assise à sa gauche, souriant et se penchant vers elle parfois, pour causer, sans recevoir de réponse.

— Oh ! raconta la petite madame Désagneaux, j’ai entendu souvent parler de madame Jousseur, cette jeune dame en mauve. Elle est la femme d’un diplomate, qui la délaisse, malgré sa grande beauté ; et l’on a causé beaucoup, l’année dernière, de la passion qu’elle a eue pour un jeune colonel bien connu du monde parisien. Mais les salons catholiques affirment qu’elle a triomphé, grâce à la religion.

Tous restaient la face en l’air, regardant.

— Dire, continua-t-elle, que sa sœur, la malade que vous voyez là, était son vivant portrait. Même elle avait, dans le visage, un air de bonté et de gaieté beaucoup plus doux… Maintenant, regardez ! c’est une morte au soleil, une chair réduite, livide et sans os, qu’on n’ose bouger de place. Ah ! la malheureuse !

Raymonde, alors, assura que madame Dieulafay, mariée depuis trois ans à peine, avait apporté tous les bijoux de sa corbeille, pour en faire don à Notre-Dame de Lourdes ; et Gérard confirma le détail, on lui avait dit, le matin, que les bijoux venaient d’être remis au trésor de la Basilique ; sans parler d’une lanterne d’or, enchâssée de pierreries, et d’une grosse somme d’argent, destinée aux