Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/298

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Il ne voulut pas l’attrister, en racontant ce qu’il venait de voir.

— Non, j’ai fouillé les pelouses, il n’y a pas de roses.

— C’est singulier, reprit-elle, songeuse. Ce parfum est à la fois si doux et si pénétrant… Vous le sentez, n’est-ce pas ? En ce moment, tenez ! il est d’une force extraordinaire, comme si toutes les roses du paradis fleurissaient dans la nuit, aux alentours.

Mais une exclamation de son père l’interrompit. M. de Guersaint s’était remis debout, en voyant des points lumineux paraître en haut des rampes, à gauche de la Basilique.

— Enfin, les voilà !

En effet, c’était la tête de la procession qui se montrait. Tout de suite, les points lumineux pullulèrent, s’allongèrent en une double ligne oscillante. Les ténèbres noyaient tout, cela semblait se produire très haut, sortir des profondeurs noires de l’inconnu. Et, en même temps, le chant, la complainte obsédante recommençait ; mais elle restait si lointaine, si légère, qu’elle paraissait n’être encore que le petit bruissement de la rafale prochaine, dans les arbres.

— Je l’avais bien dit, murmurait M. de Guersaint, il faudrait être au Calvaire, pour tout voir.

Il revenait à son idée première, avec son obstination d’enfant, se plaignant qu’on eût choisi la plus mauvaise des places.

— Mais, papa, finit par dire Marie, pourquoi n’y montes-tu pas, au Calvaire ? Il est encore temps… Pierre restera avec moi.

Et elle ajouta, avec un rire triste :

— Va, personne ne m’enlèvera.

Il refusait, puis il céda tout d’un coup, incapable de résister à l’impulsion d’un désir. Il dut se hâter, traverser vivement les pelouses.