Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/334

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Pierre marcha, dans un besoin d’air pur, la tête si lourde, qu’il s’était découvert, pour rafraîchir son front brûlant. Malgré la fatigue de cette terrible nuit de veille, il ne songeait point à dormir, tenu debout par la révolte de tout son être, qui ne se calmait pas. Huit heures sonnaient, et il allait au hasard sous le glorieux soleil matinal, resplendissant dans un ciel sans tache, que l’orage semblait avoir lavé des poussières du dimanche.

Mais, brusquement, il leva la tête, avec l’inquiétude de savoir où il était ; et il s’étonna, car il avait fait déjà du chemin, il se trouvait en bas de la gare, près de l’Hospice municipal. Il hésitait, à la bifurcation de deux routes, ne sachant laquelle prendre, lorsqu’une main amie se posa sur son épaule.

— Où donc allez-vous, à cette heure ?

C’était le docteur Chassaigne, redressant sa haute taille, serré dans sa redingote, tout vêtu de noir.

— Êtes-vous donc perdu, avez-vous besoin de quelque renseignement ?

— Non, non, merci, répondit Pierre troublé. J’ai passé la nuit à la Grotte, avec cette jeune malade qui m’est chère, et je me suis senti le cœur brouillé d’un tel malaise, que je me promène pour me remettre, avant de rentrer me coucher un instant à l’hôtel.

Le docteur continuait à le regarder, lisait clairement en lui son affreuse lutte, son désespoir de ne pouvoir s’endormir