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Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/357

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entassement de grabats douloureux, sa puanteur, ses gémissements de cauchemar, tout d’un coup ensoleillée ainsi, et rafraîchie par l’air matinal, et tombée à une telle douceur de silence !

— Pourquoi n’essayez-vous pas de dormir un peu ? reprit maternellement madame de Jonquière. Vous devez être brisée, de toute une nuit de veille.

Marie parut surprise, si légère, si envolée, qu’elle ne sentait plus ses membres.

— Mais je ne suis pas fatiguée du tout, je n’ai pas sommeil… Dormir, oh ! non, cela serait trop triste, je ne saurais plus que je vais être guérie.

Cela fit rire la directrice.

— Alors, pourquoi n’avez-vous pas voulu qu’on vous menât à la Grotte ? Vous allez vous ennuyer dans ce lit, toute seule.

— Je ne suis pas seule, madame, je suis avec elle.

Elle joignait les mains, en son extase, tandis que s’évoquait sa vision.

— Vous savez que, cette nuit, je l’ai vue qui inclinait la tête, en me souriant… J’ai bien compris, j’ai bien entendu sa voix, sans qu’elle ouvrît les lèvres. À quatre heures, lorsque passera le Saint-Sacrement, je serai guérie.

Madame de Jonquière voulut la calmer, un peu inquiète de cette sorte de somnambulisme où elle la voyait. Mais la malade répétait :

— Non, non, je ne suis pas plus mal, j’attends… Seulement, vous comprenez, madame, je n’ai pas besoin d’aller ce matin à la Grotte, puisque le rendez-vous qu’elle m’a donné est pour quatre heures.

Et elle ajouta plus bas :

— À trois heures et demie, Pierre viendra me chercher… À quatre heures, je serai guérie.

Le soleil, lentement, montait le long de ses bras nus,