Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/358

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si transparents, d’une délicatesse maladive ; tandis que ses admirables cheveux blonds, glissés sur ses épaules, semblaient un ruissellement même de l’astre, qui l’enveloppait toute. Un chant d’oiseau vint de la cour, le silence frissonnant de la salle en fut égayé. Quelque enfant, qu’on ne voyait pas, devait jouer par là, car des rires légers par moments s’élevaient aussi, dans l’air tiède, d’une tranquillité délicieuse.

— Allons, conclut madame de Jonquière, ne dormez pas, puisque vous n’avez pas sommeil. Seulement, restez bien sage, ça vous reposera tout de même.

Mais, dans le lit voisin, madame Vêtu se mourait. On n’avait point osé la mener à la Grotte, par crainte de la voir passer en route. Depuis un instant, elle avait les yeux fermés, et sœur Hyacinthe qui l’examinait, appela d’un geste madame Désagneaux, pour lui dire sa mauvaise impression. Toutes les deux, maintenant, penchées au-dessus de la moribonde, l’épiaient avec une inquiétude croissante. Le masque avait jauni encore, couleur de boue ; les orbites s’étaient creusées, les lèvres semblaient s’amincir ; et le râle surtout, le râle commençait, un souffle lent et pestilentiel, empoisonné par le cancer qui achevait de dévorer l’estomac. Brusquement, elle souleva les paupières, elle s’effraya, en apercevant ces deux visages penchés sur le sien. Est-ce que sa mort était prochaine, qu’on la regardait ainsi ? Une tristesse immense parut dans ses yeux, un regret désespéré de la vie. Cela n’allait pas jusqu’à la révolte violente, car elle n’avait plus la force de se débattre ; mais quel affreux sort, quitter sa boutique, quitter ses habitudes, son mari, pour venir mourir si loin ! braver le supplice abominable d’un tel voyage, prier le jour, prier la nuit, et ne pas être exaucée, et mourir, lorsque d’autres guérissaient !

Elle ne put que bégayer :

— Ah ! que je souffre, ah ! que je souffre… Je vous en