Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/359

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supplie, faites quelque chose, faites au moins que je ne souffre plus.

La petite madame Désagneaux, avec son joli visage de lait, noyé dans l’ébouriffement de ses cheveux blonds, était bouleversée. Elle n’avait pas l’habitude des agonies, elle aurait donné la moitié de son cœur, comme elle le disait, pour sauver cette pauvre femme. Et elle se releva, elle prit à partie sœur Hyacinthe, touchée aux larmes elle aussi, mais résignée déjà au salut par une bonne mort. Est-ce que vraiment il n’y avait rien à faire ? est-ce qu’on ne pouvait pas tenter quelque chose, ainsi que la mourante le demandait ? Le matin même, deux heures plus tôt, l’abbé Judaine était venu l’administrer, en lui donnant la communion. Elle avait le secours du ciel, c’était le seul sur lequel elle pût compter, puisque, depuis longtemps, elle n’attendait plus rien des hommes.

— Non, non ! il faut nous remuer, s’écria madame Désagneaux.

Et elle alla chercher madame de Jonquière, près du lit de Marie.

— Entendez-vous, madame, cette malheureuse qui souffre ? Sœur Hyacinthe prétend qu’elle n’en a plus que pour quelques heures. Mais nous ne pouvons la laisser gémir ainsi… Il y a des choses pour calmer. Ce jeune médecin qui est ici, pourquoi ne pas le faire venir ?

— Certainement, répondit la directrice. Tout de suite !

On ne pensait jamais au médecin, dans les salles. L’idée n’en venait à ces dames qu’au moment des crises terribles, lorsqu’une de leurs malades hurlait de douleur.

Sœur Hyacinthe elle-même, étonnée de n’avoir pas songé à Ferrand, qu’elle savait dans une pièce voisine, demanda :

— Voulez-vous, madame, que j’aille chercher monsieur Ferrand ?

— Mais sans doute ! ramenez-le vite.