Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/366

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intolérables. Près du lit, madame de Jonquière et madame Désagneaux étaient restées, pâlissantes, bouleversées d’entendre ce cri de mort qui ne cessait plus. Et, lorsqu’elles eurent questionné Ferrand, à voix basse, il répondit simplement d’un léger haussement d’épaules : c’était une femme perdue, il n’y avait plus là qu’une question d’heures, de minutes peut-être. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était de la stupéfier, elle aussi, pour lui faciliter l’atroce agonie qu’il prévoyait. Elle le regardait, elle gardait encore sa connaissance, très obéissante d’ailleurs, ne refusant aucun médicament. Comme les autres, elle n’avait plus qu’un ardent désir, celui de retourner à la Grotte.

Elle le balbutia, d’une voix d’enfant qui tremble de n’être pas écoutée.

— À la Grotte, n’est-ce pas ? à la Grotte…

— On va vous y porter tout à l’heure, je vous le promets, dit sœur Hyacinthe. Seulement, il faut être sage. Tâchez de dormir un peu, pour prendre des forces.

La malade parut s’assoupir, et madame de Jonquière crut pouvoir emmener madame Désagneaux à l’autre bout de la salle, où elles se mirent à compter du linge, toute une comptabilité dans laquelle elles ne se retrouvaient pas, des serviettes ayant disparu. Sophie n’avait pas bougé, assise sur le lit d’en face. Elle venait de poser sa poupée sur ses genoux, attendant que la dame mourût, puisqu’on lui avait dit qu’elle allait mourir.

D’ailleurs, sœur Hyacinthe était demeurée près de la mourante ; et, ne voulant pas perdre son temps, elle avait pris une aiguille et du fil, pour raccommoder le corsage d’une de ses malades, que l’usure faisait craquer aux manches.

— Vous restez un moment avec nous, n’est-ce pas ? demanda-t-elle à Ferrand.

Celui-ci continuait à étudier madame Vêtu.