Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/375

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Hyacinthe, elle aussi, était revenue à cette fenêtre heureuse, comme pour se serrer contre lui.

— Mon Dieu ! répéta-t-elle, vous ne pouvez donc rien ?

— Non, rien ! Elle va s’éteindre ainsi, pareille à une lampe qui se vide.

Maintenant, épuisée, avec un filet rouge qui lui coulait encore de la bouche, madame Vêtu regardait fixement madame de Jonquière, en remuant les lèvres. La directrice se pencha, entendit des phrases lentes.

— C’est pour mon mari, madame… La boutique est rue Mouffetard, oh ! toute petite, pas loin des Gobelins… Il est horloger, il n’a pas pu me suivre, naturellement, à cause de la clientèle ; et il va être bien embarrassé, quand il verra que je ne reviens pas… Oui, je nettoyais les bijoux, je faisais les courses…

La voix s’affaiblissait, les mots s’espaçaient dans un râle.

— Alors, madame, c’est pour vous prier de lui écrire, parce que, moi, je ne l’ai pas fait, et que c’est fini… Dites-lui que mon corps reste à Lourdes, ça ferait trop de frais… Et qu’il se remarie, il faut ça dans le commerce… La cousine, dites-lui la cousine…

Il n’y eut plus qu’un murmure confus. La faiblesse était trop grande, le souffle s’arrêtait. Pourtant, les yeux demeuraient ouverts et vivants encore, dans la face jaune, d’une pâleur de cire. Et ces yeux semblaient s’attacher désespérément au passé, à tout ce qui allait ne plus être, la petite boutique d’horlogerie au fond d’un quartier populeux, le train uniforme et doux du ménage avec un mari travailleur, toujours penché sur des montres, les grands plaisirs du dimanche, qui étaient de voir, aux fortifications, partir des cerfs-volants. Puis, les yeux élargis cherchèrent en vain dans l’affreuse nuit qui montait.

Une dernière fois, madame de Jonquière s’était penchée, en voyant de nouveau les lèvres remuer. Ce ne fut