Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/376

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plus qu’un léger frisson de l’air, une voix de l’au-delà qui balbutiait, lointaine, avec une désolation immense.

— Elle ne m’a pas guérie.

Et madame Vêtu expira, très doucement.

Comme si elle n’attendait que cela, la petite Sophie Couteau, satisfaite, sauta du lit, retourna jouer avec sa poupée, au bout de la salle. Ni la Grivotte, occupée à finir son pain, ni Élise Rouquet, tout entière à son miroir, ne s’aperçurent de la catastrophe. Mais, dans le souffle froid qui passait, aux chuchotements éperdus de madame de Jonquière et de madame Désagneaux, à qui manquait l’habitude de la mort, Marie parut s’éveiller, sortit du ravissement d’attente, où la jetait l’oraison continue de tout son être, sans paroles, bouche close. Et, quand elle eut compris, un apitoiement fraternel de compagne de douleur, certaine de sa guérison, la mit en larmes.

— Ah ! la pauvre femme, morte si loin, si seule, à l’heure de renaître !

Ferrand, remué profondément, lui aussi, malgré l’indifférence professionnelle, s’était avancé pour constater la mort ; et ce fut sur un signe de lui, que sœur Hyacinthe rejeta le drap, couvrant la face de la morte, car il ne fallait pas songer à enlever le corps en ce moment. Les malades revenaient par bandes de la Grotte, la salle si calme, si ensoleillée, s’emplissait de son tumulte habituel de misère et de souffrance, des toux profondes, des jambes traînantes, l’odeur fade, le pitoyable étalage de toutes les infirmités humaines.