Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/386

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il avait obtenu de garder près de lui sa femme, assise sur un pliant, et il aimait à causer, à lui faire part de ses réflexions.

— Chère amie, relève-moi un peu… Je glisse, je suis très mal.

Il était vêtu, en pantalon et en veston de grosse laine, assis sur son matelas, le dos appuyé contre une chaise renversée.

— Es-tu mieux ? demanda madame Sabathier.

— Oui, oui…

Puis, s’intéressant au frère Isidore, qu’on avait fini par amener quand même, et qui occupait un matelas voisin, couché, le drap au menton, les mains seules dehors, jointes sur la couverture :

— Ah ! le pauvre homme… C’est bien imprudent, mais la sainte Vierge est si puissante, quand elle veut bien !

Il reprenait son chapelet, lorsqu’il s’interrompit de nouveau, en apercevant madame Maze qui venait de se glisser dans l’enceinte réservée, si mince, si discrète, qu’elle avait sans doute passé par-dessous les cordes, sans qu’on la remarquât. Elle s’était assise à l’extrémité d’un banc, elle n’y tenait pas plus de place qu’une fillette, bien sage, immobile. Et sa face longue aux traits lassés, ses trente-deux ans de blonde flétrie, fanée avant l’âge, respiraient une tristesse sans bornes, un abandon infini.

— Alors, reprit tout bas M. Sabathier, en s’adressant à sa femme, avec un petit signe du menton, c’est pour la conversion de son mari qu’elle prie, cette dame… Tu t’es rencontrée avec elle, ce matin, dans une boutique.

— Oui, oui, répondit madame Sabathier. Et puis, j’ai causé d’elle avec une autre dame qui la connaît… Son mari est voyageur de commerce. Il la quitte pendant des six mois, s’en va avec des créatures. Oh ! un garçon très gai, très gentil, qui ne la laisse pas manquer d’argent. Seulement, elle l’adore, elle ne peut se faire à son