Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/449

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souvenir ému, une image de Bernadette, quelque chose qui témoignât délicatement de la place qu’elle doit occuper dans tous les cœurs… C’est monstrueux, cet oubli, cet abandon, la saleté où l’on a laissé tomber cette pièce !

Du coup, le vicaire, un pauvre homme inconscient et inquiet, se rangea de son avis.

— Au fond, vous avez mille fois raison. Mais je n’ai aucun pouvoir, je ne puis rien, moi !… Le jour où l’on viendrait me demander la pièce pour l’arranger, je la donnerais tout de même, j’enlèverais mes tonneaux, bien que je ne sache vraiment pas où les mettre… Seulement, je le répète, ça ne dépend pas de moi, je ne puis rien, rien du tout !

Et, sous le prétexte qu’il avait à sortir, il se hâta de prendre congé, il se sauva, en disant de nouveau au docteur Chassaigne :

— Restez, restez tant qu’il vous plaira. Vous ne me gênez jamais.

Lorsqu’il se retrouva seul avec Pierre, le docteur lui saisit les mains, débordant d’une effusion heureuse.

— Ah ! mon cher enfant, que vous venez de me faire plaisir ! Comme vous lui avez bien dit ce qui bouillonne dans mon cœur depuis longtemps !… J’ai eu, moi, cette idée, d’apporter ici chaque matin des roses. J’aurais fait simplement nettoyer la pièce, je me serais contenté de mettre sur la cheminée deux grosses gerbes de roses ; car vous savez que j’ai voué à Bernadette une infinie tendresse, et il me semblait que ces roses seraient ici la floraison même, l’éclat et le parfum de sa mémoire… Seulement, seulement…

Il eut un geste désespéré.

— Le courage m’a manqué toujours… Oui, je dis le courage, personne n’ayant osé encore se déclarer ouvertement contre les pères de la Grotte… On hésite, on