Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/486

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renoncement, accepté, voulu, dans la grandeur désolée des existences hors nature.

Comme l’autre, la passionnée, Marie avait pris les mains de Pierre. Mais ses petites mains, à elle, étaient si douces, si fraîches, si calmantes ! Elle le regardait, confuse un peu, avec une grosse envie qu’elle n’osait formuler. Puis, bravement :

— Pierre, voulez-vous m’embrasser ? ça me rendrait bien contente.

Il frémit, le cœur broyé dans une dernière torture. Ah ! les baisers d’autrefois, les baisers dont il avait toujours gardé le goût aux lèvres ! jamais plus il ne l’avait embrassée, et c’était une sœur, aujourd’hui, qui sautait à son cou. Elle le baisa bruyamment sur la joue gauche, sur la joue droite, tendant les siennes, exigeant qu’il lui rendît son compte. Deux fois, à son tour, il la baisa.

— Moi aussi, je vous le jure, Marie, je suis content, bien content.

Et, brisé d’émotion, à bout de courage, pénétré en même temps de douceur et d’amertume, il éclata en sanglots, il pleura entre ses mains jointes, comme un enfant qui veut cacher ses larmes.

— Voyons, voyons, ne nous attendrissons pas trop, reprit gaiement sœur Hyacinthe. Monsieur l’abbé serait trop fier, s’il croyait que nous ne sommes venus que pour lui… Monsieur de Guersaint est là, n’est-ce pas ?

Marie eut un cri de profonde tendresse.

— Ah ! mon cher père ! c’est encore lui qui va être le plus content !

Pierre, alors, dut raconter que M. de Guersaint n’était pas rentré de son excursion à Gavarnie. Son inquiétude croissante perçait, bien qu’il s’efforçât d’expliquer le retard, inventant des obstacles, des complications imprévues. La jeune fille, d’ailleurs, ne s’effrayait guère, se remettait à rire, en disant que jamais son père n’avait