Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/498

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entendait seulement pas. Elle se contenta de hocher la tête, promettant de ne pas bouger, reprise par une telle foi attendrie, que ses yeux se mouillaient de larmes, fixés sur la statue blanche de la Vierge.

Quand M. de Guersaint eut rejoint Pierre, resté un peu à l’écart, il s’expliqua.

— Mon cher, c’est un cas de conscience, j’ai fait à notre cocher de Gavarnie la promesse formelle de voir son patron, pour lui dire les vraies causes du retard. Vous savez, le coiffeur de la place du Marcadal… Et puis, il faut que je me fasse raser, moi !

Pierre, inquiet, dut céder devant le serment qu’on serait de retour dans un quart d’heure. Seulement, comme la course lui semblait longue, il s’entêta de son côté à prendre une voiture, qui stationnait au bas du plateau de la Merlasse. C’était une sorte de cabriolet verdâtre, dont le cocher, un gros garçon d’une trentaine d’années, coiffé d’un béret, fumait une cigarette. Assis de biais sur le siège, les genoux écartés, il conduisait avec un sans-façon tranquille d’homme bien nourri, maître de la rue.

— Nous vous gardons, dit Pierre en descendant, lorsqu’ils furent arrivés place du Marcadal.

— Bien, bien, monsieur l’abbé ! Je vous attends.

Et, laissant son maigre cheval au grand soleil, il alla rire avec une forte servante, échevelée, dépoitraillée, qui lavait un chien dans le bassin de la fontaine voisine.

Cazaban était justement sur le seuil de sa boutique, dont les hautes glaces et la claire couleur verte égayaient la place morne, déserte en semaine. Quand la besogne ne pressait pas, il aimait à triompher ainsi, entre ses deux vitrines, que des pots de pommade et des flacons de parfumerie décoraient de nuances vives.

Tout de suite, il reconnut ces messieurs.