Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/500

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donner un coup de balai… Ce sera de même jusqu’en octobre.

Puis, comme Pierre demeurait debout, allant et venant par la boutique, regardant les murs d’un air d’impatience, il se tourna poliment.

— Asseyez-vous donc, monsieur l’abbé, prenez un journal… Ça ne sera pas long.

D’un geste, le prêtre ayant remercié, en refusant de s’asseoir, le coiffeur reprit, dans sa continuelle démangeaison de parler :

— Oh ! moi, ça marche toujours, ma maison est connue pour la propreté des lits et pour la bonté de la cuisine… Seulement, la ville n’est pas contente, ah ! non ! Je puis même dire que je n’y ai jamais vu un pareil mécontentement.

Il se tut une minute, rasa la joue gauche ; et, s’interrompant de nouveau, il déclara soudain, dans un cri que la vérité lui arrachait :

— Monsieur, les pères de la Grotte jouent avec le feu, voilà tout ce que j’ai à dire.

Dès lors, la bonde était lâchée, il parla, il parla, il parla encore. Ses gros yeux roulaient dans sa face longue, aux pommettes saillantes, au teint hâlé, éclaboussé de rouge ; pendant que tout son petit corps nerveux tressautait, secoué par son exubérance de paroles et de gestes. Il revenait à son acte d’accusation, il disait les griefs sans nombre que l’ancienne ville avait contre les pères. Les hôteliers s’y plaignaient, les marchands d’objets religieux n’y faisaient pas la moitié des recettes qu’ils auraient dû réaliser ; enfin, la ville nouvelle accaparait les pèlerins et l’argent, il n’y avait plus du gain possible que pour les maisons garnies, les hôtels, les magasins ouverts dans les environs de la Grotte. C’était la lutte sans merci, l’hostilité meurtrière grandissant de jour en jour, la vieille cité perdant un peu de sa