Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/504

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Et il trouva aussi pour Pierre un mot aimable. Puis, lorsqu’il se décida à les laisser partir, il regarda le prêtre d’un air pénétré, il dit en homme de bon sens, désireux de conclure sur les miracles :

— Il y en a, monsieur l’abbé, d’heureux pour tout le monde. De temps à autre, il nous en faut un de cette qualité.

Dehors, M. de Guersaint dut aller chercher le cocher, qui continuait à rire avec la servante, dont le chien, trempé d’eau, se secouait au soleil. En cinq minutes, d’ailleurs, la voiture les ramena en bas du plateau de la Merlasse. La course leur avait pris une grande demi-heure ; et Pierre voulut garder la voiture, dans l’idée de montrer la ville à Marie, sans la fatiguer trop. Pendant que le père courait à la Grotte, pour y reprendre sa fille, il attendit là, sous les arbres.

Tout de suite, le cocher lia conversation avec le prêtre. Il avait allumé une autre cigarette, il se montrait très familier. Lui, était d’un village des environs de Toulouse, et il ne se plaignait pas, il gagnait de grasses journées, à Lourdes. On y mangeait bien, on s’y amusait, c’était ce qu’on pouvait appeler un bon pays. Il disait ces choses avec un abandon d’homme que ses scrupules religieux ne gênaient pas, sans oublier pourtant le respect qu’il devait à un ecclésiastique.

Enfin, du haut de son siège, à demi couché, l’une de ses jambes pendantes, il laissa lentement tomber cette parole :

— Ah ! oui, monsieur l’abbé, Lourdes a bien pris, mais le tout est de savoir si ça continuera longtemps.

Pierre, très frappé du mot, en sondait l’involontaire profondeur, lorsque M. de Guersaint reparut, ramenant Marie. Il l’avait trouvée agenouillée à la même place, dans le même acte de foi et de remerciement, aux pieds de la sainte Vierge ; et il semblait qu’elle eût emporté