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Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/507

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délicieux de Bernadette. Ici, aucune supercherie, aucun mensonge, la seule floraison de la souffrance, une chétive fillette malade qui apportait au peuple des souffrants son rêve de justice, d’égalité dans le miracle. Elle n’était que l’éternel espoir, l’éternelle consolation. En outre, toutes les circonstances historiques et sociales paraissaient s’être rencontrées pour exaspérer le besoin de cette envolée mystique, à la fin d’un terrible siècle d’enquête positive ; et c’était pourquoi Lourdes sans doute durerait longtemps encore, dans son triomphe, avant de n’être plus qu’une légende, une de ces religions mortes, au puissant parfum évaporé.

Ah ! cet ancien Lourdes, cette ville de paix et de croyance, le seul berceau possible où la légende pouvait naître, comme Pierre le reconstituait aisément, en faisant le tour de la vaste toile du Panorama ! Cette toile disait tout, constituait la meilleure leçon de choses qu’on pût voir. Les explications monotones de l’employé ne s’entendaient pas, le paysage parlait lui-même. D’abord, c’était la Grotte, le trou de roche au bord du Gave, un lieu sauvage de rêverie, des pentes buissonneuses, des écroulements de pierres, sans un chemin frayé ; et rien encore, pas d’embellissements, pas de quai monumental, pas d’allées de jardin anglais serpentant parmi des arbustes taillés à la serpe, pas de Grotte arrangée, déformée, fermée d’une grille, surtout pas de boutique d’objets religieux, cette boutique de simonie qui était le scandale des âmes pieuses. La Vierge n’avait pu choisir au désert un coin plus charmant pour se montrer à l’élue de son cœur, la fillette pauvre, promenant là le songe de ses nuits pénibles, en ramassant du bois mort. Puis, c’était, de l’autre côté du Gave, derrière le rocher du Château, le vieux Lourdes confiant et endormi. Un autre âge s’évoquait, une petite ville, avec ses rues étroites, pavées de cailloux, ses maisons noires, aux encadrements