Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/508

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de marbre, son antique église à demi espagnole, pleine d’anciennes sculptures, peuplée de visions d’or et de chairs peintes. Deux fois par jour, il n’y avait que les diligences de Bagnères et de Cauterets qui traversaient à gué le Lapaca, pour monter ensuite la raide chaussée de la rue Basse. L’esprit du siècle n’avait pas soufflé sur ces toits paisibles, qui abritaient une population attardée, restée enfant, toute serrée dans le lien étroit d’une forte discipline religieuse. Aucune débauche, un lent commerce séculaire suffisant à la vie quotidienne, une vie pauvre dont la rudesse sauvegardait les mœurs. Et jamais Pierre n’avait mieux compris comment Bernadette, née de cette terre de foi et d’honnêteté, y avait fleuri telle qu’une rose naturelle, éclose sur les églantiers du chemin.

— C’est tout de même curieux, déclara M. de Guersaint, quand on se retrouva dans la rue. Je ne suis pas fâché d’avoir vu ça.

Marie également riait d’aise.

— Père, n’est-ce pas ? on dirait qu’on y est. Par moments, il semble que les personnages vont bouger… Et comme elle est charmante, Bernadette, à genoux, en extase, pendant que la flamme du cierge lèche ses doigts, sans laisser de brûlure.

— Voyons, reprit l’architecte, nous n’avons plus qu’une heure, il faudrait pourtant songer à faire nos emplettes, si nous désirons acheter quelque chose… Voulez-vous que nous fassions le tour des boutiques ? Nous avons bien promis à Majesté de lui donner la préférence ; seulement, ça ne nous empêche pas de nous renseigner un peu… Hein ? Pierre, qu’en dites-vous ?

— Mais certainement, comme vous voudrez, répondit le prêtre. D’ailleurs, cela nous promènera.

Et il suivit la jeune fille et son père, qui revinrent sur le plateau de la Merlasse. Depuis qu’il était sorti du