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Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/534

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yeux d’intelligence s’emplirent de rêve, se perdirent au loin. Que de fois il avait donné pour but à ses efforts la création de ce nouveau peuple ! Mais n’y fallait-il pas le souffle d’un autre Messie ?

— Oui, oui, murmura-t-il, une démocratie catholique, ah ! l’histoire de l’humanité recommencerait !

Le père Massias l’interrompit passionnément, en disant que toutes les nations de la terre finiraient par venir ; tandis que le docteur Bonamy, qui sentait poindre déjà un léger refroidissement dans la ferveur des pèlerins, hochait la tête, était d’avis que les fidèles de la Grotte devaient redoubler de zèle. Lui, mettait surtout le succès dans la plus grande publicité possible, donnée aux miracles. Et il affectait de rayonner, il riait complaisamment, en montrant le défilé tumultueux des malades.

— Voyez-les donc ! Est-ce qu’ils ne partent pas avec une mine meilleure ? Beaucoup n’ont pas l’air guéri, qui emportent le germe de la guérison, soyez-en sûrs !… Ah ! les braves gens ! ils font plus que nous tous pour la gloire de Notre-Dame de Lourdes.

Mais il dut se taire. Madame Dieulafay passait devant eux, dans sa caisse capitonnée de soie. Et on la déposa devant la portière du wagon de première classe, où une femme de chambre, déjà, rangeait les bagages. Une pitié serrait les cœurs, la misérable femme ne paraissait pas s’être éveillée de son anéantissement, pendant les trois jours vécus à Lourdes. Telle qu’ils l’avaient descendue au milieu de son luxe, le matin de l’arrivée, telle les brancardiers allaient la remonter, vêtue de dentelle, couverte de bijoux, avec sa face morte et imbécile de momie, qui se liquéfiait ; et on aurait dit même qu’elle s’était réduite encore, qu’on la remportait diminuée, de plus en plus rapetissée à la taille d’une enfant, dans cet horrible mal qui, après avoir détruit les os, achevait de fondre la guenille molle des muscles. Son mari et sa sœur inconsolables,