Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/546

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— Le train part, dépêchez-vous, dépêchez-vous !

En effet, une volée de cloche leur arrivait distinctement, au milieu du tumulte grandi de la foule. Et le docteur, ayant chargé deux brancardiers de veiller le corps, qu’on enlèverait plus tard, quand le train ne serait plus là, voulut accompagner ses amis jusqu’à leur wagon.

Tous se hâtaient. L’abbé Judaine, désespéré, les avait rejoints, après avoir dit une courte prière pour le repos de cette âme révoltée. Mais, comme Marie, suivie de Pierre et de M. de Guersaint, courait le long du quai, elle fut arrêtée encore par le docteur Bonamy, qui triompha en la présentant au père Fourcade.

— Mon révérend père, voici mademoiselle de Guersaint, la jeune fille qui a été guérie si miraculeusement hier lundi.

Le père eut un sourire rayonnant de général auquel on rappelle sa victoire la plus décisive.

— Je sais, je sais, j’étais là… Ma chère fille, Dieu vous a bénie entre toutes, allez et faites adorer son nom.

Puis, il félicita M. de Guersaint, dont l’orgueil paternel jouissait divinement. C’était l’ovation qui recommençait, ce concert de paroles tendres, de regards émerveillés, qui avaient suivi la jeune fille, le matin, au travers des rues de Lourdes, et qui, de nouveau, l’entouraient, à la dernière minute du départ. La cloche avait beau sonner encore, un cercle de pèlerins ravis s’était formé, il semblait qu’elle emportât dans sa personne la gloire du pèlerinage, le triomphe de la religion, désormais retentissant aux quatre coins de la terre.

Et Pierre, à ce moment, fut ému, en remarquant le groupe douloureux que formaient, près de là, M. Dieulafay et madame Jousseur. Leurs regards s’étaient fixés sur Marie, ils s’étonnaient comme les autres de la résurrection extraordinaire de cette jeune fille, si belle, qu’ils