Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/547

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avaient vue inerte, maigrie, la face terreuse. Pourquoi donc cette enfant ? Pourquoi pas la jeune femme, la chère femme qu’ils remportaient mourante ? Leur confusion, leur honte semblait avoir grandi ; et ils se reculaient, dans leur malaise de parias trop riches ; et ce fut un soulagement pour eux, lorsque, trois brancardiers ayant à grand’peine monté madame Dieulafay dans le compartiment de première classe, ils purent y disparaître à leur tour, en compagnie de l’abbé Judaine.

Mais déjà les employés criaient : « En voiture ! en voiture ! » Le père Massias, chargé de la direction pieuse du train, avait repris sa place, laissant sur le trottoir le père Fourcade, appuyé à l’épaule du docteur Bonamy. Vivement, Gérard et Berthaud saluèrent encore ces dames, pendant que Raymonde montait rejoindre madame Désagneaux et madame Volmar, installées dans leur coin ; et madame de Jonquière, enfin, courut à son wagon, où elle arriva en même temps que les Guersaint. On se bousculait, il y avait des cris, des courses effarées, d’un bout à l’autre du train interminable, auquel on venait d’attacher la locomotive, une machine toute en cuivre, luisante comme un astre.

Pierre faisait passer Marie devant lui, lorsque M. Vigneron, qui revenait au galop, lui cria :

— Il est valable ! il est valable !

Très rouge, il montrait, il agitait son billet. Et il galopa jusqu’au compartiment où se trouvaient sa femme et son fils, pour leur annoncer la bonne nouvelle.

Quand Marie et son père furent installés, Pierre resta une minute encore sur le quai, avec le docteur Chassaigne, qui l’embrassa paternellement. Il voulait lui faire promettre de revenir à Paris, de se reprendre un peu à l’existence. Mais le vieux médecin hochait la tête.

— Non, non, mon cher enfant, je reste… Elles sont ici, elles me gardent.