Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/552

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d’inquiète préoccupation, comme hantée par un brusque chagrin qu’elle ne disait pas. Elle retrouva pourtant son sourire de belle santé reconquise.

— Vingt-deux heures de voyage, ah ! ce sera moins long et moins dur que pour venir !

— Et puis, reprit son père, nous avons semé du monde là-bas, nous sommes très à l’aise.

En effet, l’absence de madame Maze laissait un coin libre, au bout de la banquette, que Marie, assise maintenant, n’encombrait plus de son chariot ; et l’on avait même fait passer la petite Sophie dans le compartiment voisin, où ne se trouvait plus le frère Isidore, ni sa sœur Marthe, restée en service à Lourdes, disait-on, chez une dame pieuse. De l’autre côté, madame de Jonquière et sœur Hyacinthe bénéficiaient également d’une place, celle de madame Vêtu. Elles avaient d’ailleurs eu l’idée de se débarrasser aussi d’Élise Rouquet, en l’installant avec Sophie, de façon à ne garder que le ménage Sabathier et la Grivotte. Grâce à cette organisation nouvelle, on étouffait moins, on pourrait peut-être dormir un peu.

Le dernier verset du Magnificat venait d’être chanté, ces dames achevèrent de s’installer le plus confortablement possible, en faisant leur petit ménage. Il fallut surtout caser les brocs de zinc, pleins d’eau, qui gênaient leurs jambes. On avait tiré les stores de toutes les portières de gauche, car le soleil oblique frappait le train, entrait en nappes ardentes. Mais les derniers orages devaient avoir abattu la poussière, et la nuit serait certainement fraîche. Puis, la souffrance était moindre, la mort avait emporté les plus malades, il ne restait là que des maux stupéfiés, engourdis de fatigue, glissant à une torpeur lente. Bientôt allait se produire la réaction d’anéantissement dont les grandes secousses morales sont toujours suivies. Les âmes avaient donné leur effort, les