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Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/563

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— Oh ! ce n’est rien, ce n’est rien du tout… Je suis guérie, je suis guérie, guérie complètement !

Pierre restait bouleversé. Cette foudroyante rechute avait glacé le wagon. Beaucoup se soulevaient, regardaient avec terreur. Puis, tous se renfoncèrent dans leur coin, personne ne parla, personne ne bougea plus. Et Pierre songeait à l’étonnant cas médical offert par cette fille, les forces rétablies là-bas, le gros appétit, les longues courses, le visage rayonnant, les membres dansants, puis ce sang craché, cette toux, cette face plombée d’agonisante, le brutal retour de la maladie, quand même victorieuse. Était-ce donc une phtisie particulière, compliquée d’une névrose ? Était-ce même quelque autre maladie, un mal inconnu qui faisait tranquillement son œuvre, au milieu des diagnostics contradictoires ? La mer des ignorances et des erreurs commençait, ces ténèbres où se débat encore la science humaine. Et il revoyait le docteur Chassaigne hausser les épaules de dédain, tandis que le docteur Bonamy, plein de sérénité, continuait tranquillement sa besogne des constatations, dans l’absolue certitude que personne ne lui prouverait l’impossibilité de ses miracles, pas plus qu’il n’aurait pu en démontrer la possibilité lui-même.

— Oh ! je n’ai pas peur, bégayait toujours la Grivotte, ils me l’ont bien tous dit là-bas, je suis guérie, guérie complètement !

Le wagon roulait, roulait dans la nuit noire. Chacun prenait ses dispositions, s’allongeait pour dormir plus à l’aise. On força madame Vincent à s’étendre sur la banquette, on lui donna un oreiller, où elle pût reposer sa pauvre tête endolorie ; et, devenue d’une docilité d’enfant, hébétée, elle sommeillait dans une torpeur de cauchemar, avec de grosses larmes silencieuses qui continuaient à couler de ses yeux clos. Élise Rouquet, elle aussi, ayant toute une banquette à elle, s’apprêtait à s’y