Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/578

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On ne devait dire la prière du matin qu’à Châtellerault. Après l’arrêt à Poitiers, lorsque, de nouveau, le train roula, dans le petit frisson frais du matin, M. de Guersaint déclara de son air gai qu’il avait supérieurement dormi, malgré la dureté de la banquette. Madame de Jonquière, elle aussi, se félicitait de ce bon repos dont elle avait tant besoin, un peu confuse pourtant d’avoir laissé sœur Hyacinthe veiller seule sur la Grivotte, qui maintenant grelottait d’une fièvre intense, reprise de son horrible toux. Les autres pèlerines faisaient un bout de toilette, les dix femmes du fond rattachaient leurs fichus, renouaient les brides de leurs bonnets, avec une sorte d’inquiétude pudique, dans leur laideur pauvre et triste. Attentive, le visage sur son miroir, Élise Rouquet n’en finissait pas de s’examiner le nez, la bouche, les joues, s’admirant, se buvant, trouvant qu’elle redevenait décidément très bien.

Et ce fut alors que Pierre et Marie eurent encore une grande pitié, en regardant madame Vincent que rien n’avait pu tirer de la torpeur où elle était, ni l’arrêt tumultueux à Poitiers, ni le bruit des voix depuis qu’on roulait de nouveau. Anéantie sur la banquette, elle n’avait pas rouvert les yeux, elle sommeillait toujours, tourmentée de rêves atroces. Et, tandis que de grosses larmes continuaient à couler de ses paupières closes, elle venait de saisir l’oreiller qu’on l’avait forcée de prendre, elle le serrait sur sa poitrine, étroitement, dans quelque cauchemar de sa maternité souffrante. Ses pauvres bras de mère si longtemps chargés de sa fillette moribonde, ses bras inoccupés, vides à jamais, avaient trouvé ce coussin, dans son sommeil, et ils s’y étaient noués comme sur un fantôme, d’une étreinte aveugle.

Mais M. Sabathier avait le réveil joyeux. Pendant que madame Sabathier remontait la couverture, en enveloppait