Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Seulement, je vous en prie, si la toux de ma malade recommence, venez me chercher.

Au buffet, quand elle eut réussi à traverser le quai, à grand’peine, elle tomba dans une autre bousculade. Les pèlerins aisés avaient pris d’assaut les tables, beaucoup de prêtres surtout se hâtaient, au milieu du tapage des fourchettes, des couteaux et de la vaisselle. Trois ou quatre garçons ne parvenaient pas à assurer le service, d’autant plus qu’une foule les entravait, se pressait au comptoir, achetait des fruits, des petits pains, de la viande froide. Et c’était là, au fond de la salle, que Raymonde déjeunait, à une petite table, avec madame Désagneaux et madame Volmar.

— Ah ! maman, enfin ! cria-t-elle. J’allais retourner te chercher. Il faut bien qu’on te laisse manger pourtant !

Elle riait, très animée, très heureuse des aventures du voyage, de ce repas fait à la diable, dans un coup de vent.

— Tiens ! je t’ai gardé ta part de truite à la sauce verte, et voici une côtelette qui t’attend… Nous autres, nous en sommes déjà aux artichauts.

Alors, ce fut charmant. Il y avait là un coin de gaieté qui faisait plaisir à voir.

La jeune madame Désagneaux, surtout, était adorable. Une blonde délicate, avec des cheveux jaunes, fous et envolés, une petite figure de lait, ronde, trouée de fossettes, et très rieuse, et très bonne. Richement mariée, elle laissait depuis trois ans son mari à Trouville, au beau milieu d’août, pour accompagner le pèlerinage national, en qualité de dame hospitalière : c’était sa grande passion, une pitié frissonnante, un besoin de se donner tout entière aux malades pendant cinq jours, une véritable débauche d’absolu dévouement, dont elle revenait brisée et ravie. Son seul chagrin était de n’avoir pas