— Moi, oh ! monsieur l’abbé, je ne suis pas de grand secours… Depuis l’année dernière, depuis que je suis rentrée guérie, on ne m’a pas laissé un jour tranquille, parce que, vous comprenez, on est venu me voir, on m’a menée chez monseigneur, et puis dans les couvents, et puis partout… Et, avant ça, j’ai été longtemps malade, je ne pouvais marcher sans un bâton, je criais à chaque pas, tant mon pied me faisait du mal.
— Alors, c’est d’un mal au pied que la sainte Vierge vous a guérie ?
Sophie n’eut pas le temps de répondre. Sœur Hyacinthe, qui écoutait, intervint.
— D’une carie des os du talon gauche, datant de trois ans. Le pied était gonflé, déformé, et il y avait des fistules donnant issue à une suppuration continuelle.
Du coup, tous les malades du wagon commencèrent à se passionner. Ils ne quittaient plus des yeux la miraculée, ils cherchaient en elle le prodige. Ceux qui pouvaient se mettre debout, se levaient pour la mieux voir ; et les autres, les infirmes allongés sur des matelas, tâchaient de se hausser et de tourner la tête. Dans la souffrance qui venait de les reprendre, au départ de Poitiers, terrifiés par les quinze heures qu’ils avaient à rouler encore, l’arrivée brusque de cette enfant, élue par le ciel, était comme un soulagement divin, le rayon d’espoir où ils puiseraient la force d’aller jusqu’au bout du voyage. Déjà, les plaintes cessaient un peu, et toutes les faces se tendaient, dans le besoin ardent de croire.
Marie, surtout, ranimée, soulevée à demi, joignit ses mains tremblantes, supplia doucement Pierre.
— Je vous en prie, questionnez-la, demandez-lui de tout nous dire… Guérie, mon Dieu ! guérie d’un mal si affreux !
Madame de Jonquière, émue, s’était penchée pour embrasser l’enfant, par-dessus la cloison.