Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Certainement, notre petite amie va nous dire… N’est-ce pas, ma mignonne, que vous allez nous raconter ce que la sainte Vierge a fait pour vous ?

— Oh ! bien sûr, madame… Tant que vous voudrez.

Et elle avait son air souriant et modeste, avec ses yeux luisant d’intelligence. Tout de suite, elle voulut commencer, en levant sa main droite en l’air, dans un geste gentil qui commandait l’attention. Évidemment, elle avait pris déjà l’habitude du public.

Mais on ne la voyait pas de toutes les places du wagon, et sœur Hyacinthe eut une idée.

— Montez sur la banquette, Sophie, et parlez un peu fort, à cause du bruit.

Cela l’amusa, elle dut retrouver son sérieux pour commencer.

— Alors, comme ça, mon pied était perdu, je ne pouvais seulement plus me rendre à l’église, et il fallait toujours l’envelopper dans du linge, parce qu’il coulait des choses qui n’étaient guère propres… Monsieur Rivoire, le médecin, qui avait fait une coupure, pour voir dedans, disait qu’il serait forcé d’enlever un morceau de l’os, ce qui m’aurait sûrement rendue boiteuse… Et, alors, après avoir bien prié la sainte Vierge, je suis allée tremper mon pied dans l’eau, avec une si bonne envie de guérir, que je n’ai pas même pris le temps d’enlever le linge… Et, alors, tout est resté dans l’eau, mon pied n’avait plus rien du tout, quand je l’ai sorti.

Un murmure s’éleva et courut, fait de surprise, d’émerveillement et de désir, à ce beau conte prodigieux, si doux aux désespérés. Mais la petite n’avait pas fini. Elle prit un temps, puis termina, avec un nouveau geste, les deux bras un peu écartés.

— À Vivonne, quand monsieur Rivoire a revu mon pied, il a dit : « Que ce soit le bon Dieu ou le diable qui