Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/80

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souffle pénible paraissait plus régulier depuis un instant. Et ce fut seulement à Ruffec, à trois heures, qu’on récita les vêpres de la sainte Vierge.

Ora pro nobis, sancta Dei Genitrix.

Ut digni efficiamur promissionibus Christi.

Comme on finissait, M. Sabathier, qui avait regardé la petite Sophie remettre son bas et son soulier, se tourna vers M. de Guersaint.

— Sans doute, le cas de cette enfant est intéressant. Mais ce n’est rien, monsieur, il y a bien plus fort que cela… Connaissez-vous l’histoire de Pierre de Rudder, un ouvrier belge ?

Tout le monde s’était remis à écouter.

— Cet homme avait eu la jambe cassée par la chute d’un arbre. Après huit ans, les deux fragments de l’os ne s’étaient pas soudés, on voyait les deux bouts, au fond d’une plaie, en continuelle suppuration ; et la jambe, molle, pendait, allait dans tous les sens… Eh bien ! il lui a suffi de boire un verre de l’eau miraculeuse, sa jambe a été refaite d’un coup ; et il a pu marcher sans béquilles, et le médecin le lui a bien dit : « Votre jambe est comme celle d’un enfant qui vient de naître. » Parfaitement ! une jambe toute neuve !

Personne ne parla, il n’y eut qu’un échange de regards extasiés.

— Et, tenez ! continua M. Sabathier, c’est comme l’histoire de Louis Bouriette, un carrier, un des premiers miracles de Lourdes. La connaissez-vous ?… Il avait été blessé, dans une explosion de mine. L’œil droit était complètement perdu, il se trouvait même menacé de perdre l’œil gauche… Or, un jour, il envoya sa fille prendre une bouteille de l’eau boueuse de la source, qui jaillissait à peine. Puis, il lava son œil avec cette boue, il pria ardemment. Et il jeta un cri, il voyait, monsieur, il voyait aussi bien que vous et moi… Le médecin qui le soignait en a