Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/81

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écrit un récit circonstancié, il n’y a pas le moindre doute à avoir.

— C’est merveilleux, murmura M. de Guersaint, ravi.

— Voulez-vous un autre exemple, monsieur ? Il est célèbre, c’est celui de François Macary, le menuisier de Lavaur… Depuis dix-huit ans, il avait, à la partie interne de la jambe gauche, un ulcère variqueux profond, accompagné d’un engorgement considérable des tissus. Il ne pouvait plus bouger, la science le condamnait à une infirmité perpétuelle… Et le voilà, un soir, qui s’enferme avec une bouteille d’eau de Lourdes. Il ôte ses bandages, il se lave les deux jambes, il boit le reste de la bouteille. Puis, il se couche, s’endort ; et, quand il se réveille, il se tâte, regarde : plus rien ! la varice, les ulcères, tout avait disparu… La peau du genou, monsieur, était redevenue aussi lisse, aussi fraîche qu’elle devait l’être à vingt ans.

Cette fois, il y eût une explosion de surprise et d’admiration. Les malades et les pèlerins entraient dans le pays enchanté du miracle, où l’impossible se réalise au coude de chaque sentier, où l’on marche à l’aise de prodige en prodige. Et chacun d’eux avait son histoire à dire, brûlant d’apporter sa preuve, d’appuyer sa foi et son espoir d’un exemple.

Madame Maze, la silencieuse, fut emportée jusqu’à parler la première.

— Moi, j’ai une amie qui a connu la veuve Rizan, cette dame dont la guérison a fait aussi tant de bruit… Depuis vingt-quatre ans, elle était paralysée de tout le côté gauche. Elle rendait ce qu’elle mangeait, elle n’était plus qu’une masse inerte qu’on retournait dans le lit ; et, à la longue, le frottement des draps lui avait usé la peau… Un soir, le médecin annonça qu’elle mourrait avant le jour. Deux heures plus tard, elle sortit de sa torpeur, en demandant d’une voix faible à sa fille d’aller lui chercher un verre d’eau de Lourdes, chez une voisine.