Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/96

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petite Rose, en la trouvant bien moins malade que ces enfants à demi morts qu’on plongeait dans l’eau glacée et qui jouaient. M. Sabathier plaisantait avec M. de Guersaint, lui expliquait qu’en octobre, quand il aurait des jambes, il irait faire un tour à Rome, un voyage qu’il remettait depuis quinze ans. Madame Vêtu, calmée, l’estomac tiraillé seulement, croyant qu’elle avait faim, demandait à madame de Jonquière de lui laisser tremper des mouillettes de biscuit dans un verre de lait ; tandis qu’Élise Rouquet, oubliant sa plaie, mangeait une grappe de raisin, à visage découvert. Et la Grivotte, assise sur son séant, et le frère Isidore, qui avait cessé de se plaindre, gardaient de tous ces beaux contes une telle fièvre heureuse, qu’ils s’inquiétaient de l’heure, ayant l’impatience de la guérison. Mais l’homme surtout, pendant une minute, ressuscita. Comme sœur Hyacinthe essuyait de nouveau la sueur froide de son visage, il ouvrit les paupières, tandis qu’un sourire éclairait un instant sa face. Une fois encore, il avait espéré.

Marie gardait, dans sa petite main tiède, la main de Pierre. Il était sept heures, on ne devait être à Bordeaux qu’à sept heures et demie ; et le train en retard, pour rattraper les minutes perdues, hâtait de plus en plus sa marche, dans une vitesse folle. L’orage avait fini par couler, une douceur infiniment pure tombait du grand ciel clair.

— Oh ! Pierre, que c’est beau, que c’est beau ! répéta de nouveau Marie, en lui serrant la main de toute sa tendresse.

Et, se penchant vers lui, à demi-voix :

— Pierre, j’ai vu la sainte Vierge, tout à l’heure, et c’est votre guérison que j’ai demandée et obtenue.

Le prêtre, comprenant, fut bouleversé par les yeux de divine lumière qu’elle fixait sur les siens. Elle s’était oubliée, elle avait demandé sa conversion ; et ce souhait