Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/110

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— J’étais là-bas, près de la chaire, et je vous ai bien vu, mon cher enfant. Seulement, j’ai préféré attendre, pour ne déranger personne… Quel beau discours, comme monseigneur a parlé !

Il paraissait en effet très ému. Mais c’était de la tristesse qui navrait sa bouche de bonté, ses yeux clairs d’enfant, dont le sourire d’habitude éclairait sa douce figure ronde, toute blanche.

— J’avais peur que vous ne repartiez sans m’avoir vu, car j’avais une chose à vous dire… Vous savez, ce pauvre vieil homme, près de qui je vous ai envoyé ce matin, et auquel je vous ai prié de vous intéresser… Eh bien ! en rentrant chez moi, j’ai trouvé une dame qui m’apporte parfois un peu d’argent pour mes pauvres. Alors, j’ai songé que les trois francs que je vous avais remis, étaient vraiment un trop maigre secours ; et, comme cette pensée me tourmentait, ainsi qu’un remords, je n’ai pas pu résister, je suis allé cet après-midi rue des Saules…

Il baissait la voix par respect, afin de ne pas troubler le profond silence sépulcral de l’église. Une sourde honte aussi le rendait bégayant, la honte d’être retombé dans son péché de charité imprudente, aveugle, comme le lui reprochaient ses supérieurs. Il acheva très bas, frissonnant.

— Alors, mon enfant, imaginez-vous ma peine… J’avais cinq francs à remettre au pauvre homme, et je l’ai trouvé mort. Pierre frémit, dans une brusque secousse. Il ne voulait pas comprendre.

— Comment, mort ? Ce vieillard est mort, ce Laveuve est mort !

— Oui, je l’ai trouvé mort, oh ! dans quelle affreuse misère ! tel qu’une vieille bête qui est allée finir sur un tas de loques, au fond d’un trou. Aucun voisin ne l’avait assisté, il s’était simplement tourné vers le mur. Et