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Livre deuxième



I


Dans cette rue écartée de Neuilly, où personne ne passait plus dès le crépuscule, la petite maison, à cette heure, sous la nuit noire, dormait d’un sommeil profond, les persiennes closes, sans qu’une lumière filtrât au dehors. Et il semblait qu’on sentît aussi, derrière, la grande paix du petit jardin, vide et mort, engourdi par le froid de l’hiver.

Pierre, dans le fiacre qui le ramenait avec son frère blessé, avait craint plusieurs fois de le voir s’évanouir. Guillaume, adossé, affaissé, ne parlait pas ; et quel terrible silence entre eux, si plein des interrogations, des réponses, qu’ils sentaient inutile et douloureux d’échanger en ce moment ! Pourtant, le prêtre s’inquiétait de la blessure, se demandait à quel chirurgien il allait avoir recours, désireux de ne mettre dans le secret qu’un homme sûr et dévoué, en voyant avec quel âpre désir de disparaître le blessé se cachait.

Jusqu’à l’Arc de triomphe, pas un mot ne fut prononcé. Là seulement, Guillaume sembla sortir de l’accablement de son rêve, pour dire :