Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/158

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manches retroussées au-dessus des coudes, les bras et les mains humides encore d’une eau mal essuyée.

Il se fit un instant de surprise et de gêne. La jeune fille, accourue avec son air riant, était devenue grave devant cette soutane, sourdement hostile. Et le prêtre vit qu’il devait se nommer.

— Je suis l’abbé Pierre Froment.

Aussitôt, elle retrouva son sourire de bienvenue.

— Ah ! je vous demande pardon, monsieur… J’aurais dû vous reconnaître, car je vous ai vu un jour saluer Guillaume en passant.

Elle disait Guillaume. C’était donc Marie. Et Pierre, étonné, la regarda, la trouvant tout à fait différente de ce qu’il se l’imaginait. Elle n’était pas grande, de taille moyenne, mais de corps vigoureux, admirablement fait, les hanches larges, la poitrine large, avec une gorge petite et ferme de guerrière. On la sentait saine, de muscles solides, à sa démarche droite et aisée, d’une grâce adorable de femme dans sa force. C’était une brune à la peau très blanche, coiffée d’un lourd casque de superbes cheveux noirs, qu’elle nouait négligemment, sans coquetterie compliquée. Et, sous les bandeaux sombres, le pur front d’intelligence, le nez de finesse, les yeux de gaieté, prenaient une vie intense ; tandis que le bas un peu lourd de la physionomie, les lèvres charnues, le menton grave, disaient sa tranquille bonté. Elle était sûrement sur la terre, avec la promesse de toutes les tendresses, de tous les dévouements. Une compagne.

Mais Pierre, dans cette première rencontre, ne la voyait que trop bien portante, d’une paix trop sûre d’elle-même, avec ses épais cheveux débordants, avec ses bras magnifiques, d’une nudité si ingénue. Elle lui déplut, elle l’inquiéta, comme une créature différente, qui lui restait étrangère.

— C’est justement mon frère Guillaume qui m’envoie.