Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/17

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mort. Au fond de l’échoppe qui servait de loge au concierge, Pierre n’aperçut qu’un homme infirme, roulé dans le lambeau sans nom d’une ancienne couverture de cheval.

— Vous avez ici un vieil ouvrier du nom de Laveuve. Quel escalier, quel étage ?

L’homme ne répondit pas, arrondit des yeux inquiets d’idiot qui s’effare. Sans doute la concierge était dans le voisinage. Un instant, le prêtre attendit ; puis, apercevant une petite fille au fond de la cour, il se hasarda, traversa le cloaque sur la pointe des pieds.

— Mon enfant, connais-tu, dans la maison, un vieil ouvrier qui s’appelle Laveuve ?

La petite fille, dont le maigre corps n’était vêtu que d’une robe de toile rose, en guenilles, grelottait, les mains couvertes d’engelures. Elle leva son fin visage, joli sous les morsures du froid.

— Laveuve, non, sais pas, sais pas…

Et, de son geste inconscient de mendiante, elle tendit l’une de ses pauvres mains, gourdes et massacrées. Puis, lorsqu’il lui eut donné une petite pièce blanche, elle se mit à galoper, telle qu’une chèvre joyeuse, au travers de la boue, en chantant d’une voix aiguë :

— Sais pas, sais pas, sais pas…

Il prit le parti de la suivre. Elle avait disparu dans un des vestibules béants, et il monta derrière elle un escalier sombre et fétide, aux marches à demi rompues, rendues si glissantes par des épluchures de légumes, qu’il dut s’aider de la corde graisseuse, grâce à laquelle on se hissait. Mais toutes les portes étaient closes, il frappa inutilement à plusieurs, il n’obtint à la dernière que des grognements étouffés, comme si quelque animal désespéré était enfermé là. Redescendu dans la cour, il hésita, puis s’engagea dans un autre escalier. Et, cette fois, il fut assourdi par des cris perçants, des cris d’enfant qu’on