Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/177

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Elle y mit ensuite Léonie, il n’y eut que la dernière Hortense, gâtée, plus jolie et plus fine, qu’elle laissa s’attarder à l’école, fière de ses succès ; et, plus tard, tandis que Pauline épousait le maçon Labitte, et Léonie le mécanicien Salvat, Hortense, entrée comme demoiselle de comptoir, chez un confiseur de la rue des Martyrs, y liait connaissance avec l’employé Chrétiennot, qui, séduit, en faisait sa femme, n’ayant pu en faire sa maîtresse. Léonie était morte jeune, quelques semaines après sa mère, toutes deux d’une fièvre typhoïde. Pauline, lâchée par son mari, vivant avec son beau-frère Salvat, dont la fille l’appelait maman, mourait de faim. Et, seule, Hortense portait le dimanche une robe de légère soie, habitait une maison neuve, était une bourgeoise, mais au prix d’une vie d’enfer et d’abominables privations.

Madame Théodore n’ignorait point les embarras de sa sœur, lorsque venaient les fins de mois. Aussi ne se risquait-elle qu’avec trouble à tenter ainsi un emprunt. Et puis, Chrétiennot, peu à peu aigri par sa médiocrité, accusant sa femme, depuis qu’elle se fanait, d’être la cause de leur existence avortée, ne voyait plus la famille de celle-ci, dont il rougissait. Encore Toussaint était-il un ouvrier propre. Mais cette Pauline, cette madame Théodore qui vivait avec son beau-frère, sous les yeux de l’enfant, ce Salvat qui errait d’atelier en atelier, en énergumène dont pas un patron ne voulait, toute cette révolte, toute cette misère, toute cette saleté avaient fini par outrer le petit employé correct et vaniteux, que les difficultés de la vie rendaient méchant. Et il avait défendu à Hortense de recevoir sa sœur.

Tout de même, en montant l’escalier de la maison du boulevard Rochechouart, où il y avait un tapis, madame Théodore éprouva un certain orgueil, à se dire qu’une parente à elle habitait dans ce luxe. C’était au troisième,