Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un logement de sept cents francs, sur la cour. La femme de ménage, qui revenait vers quatre heures, pour le dîner, était déjà là. Et elle laissa passer la visiteuse, qu’elle connaissait, tout en marquant une surprise inquiète de la voir oser se présenter de la sorte, si mal vêtue. Mais, dès le seuil du petit salon, madame Théodore s’arrêta, saisie, lorsqu’elle aperçut sa sœur Hortense effondrée et sanglotante, au fond d’un des fauteuils de reps bleu, dont elle était si fière.

— Qu’as-tu donc ? Que t’arrive-t-il ?

À trente-deux ans, à peine, ce n’était déjà plus la belle Hortense. Elle gardait son air de poupée blonde, grande, mince, aux jolis yeux, aux beaux cheveux. Mais elle qui s’était tant soignée, commençait à s’abandonner dans des peignoirs d’une propreté douteuse, et ses paupières rougissaient, et sa fine peau se flétrissait. Deux couches successives, deux fillettes, l’une aujourd’hui de neuf ans, l’autre de sept, l’avaient beaucoup abîmée. D’ailleurs, très orgueilleuse, très égoïste, elle en était, elle aussi, à regretter son mariage, car elle s’était crue autrefois une beauté, digne du palais et des carrosses de quelque prince Charmant.

Son désespoir était tel, qu’elle ne s’étonna même pas de voir entrer sa sœur.

— Ah ! c’est toi, ah ! si tu savais quelle tuile encore, au milieu des autres embêtements !

Tout de suite, madame Théodore pensa aux petites. Lucienne et Marcelle.

— Tes filles sont malades ?

— Non, non, la voisine d’à côté les promène sur le boulevard… Ma chère, imagine-toi, me voilà encore enceinte ! D’abord, j’ai voulu croire à un retard, mais c’est le deuxième mois. Et, tout à l’heure, après le déjeuner, quand j’en ai parlé à Chrétiennot, il est entré dans une colère affreuse, il m’a crié, avec toutes sortes de