Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IV


Dès une heure et demie, Pierre était rue d’Ulm, où Bertheroy habitait une assez vaste maison, que l’État lui avait donnée, pour qu’il y installât un laboratoire d’étude et de recherches. Et tout le premier étage se trouvait ainsi aménagé en une grande salle, que l’illustre chimiste aimait parfois ouvrir à un public restreint d’élèves et d’admirateurs, devant lequel il parlait, faisait des expériences, exposait ses découvertes et ses théories nouvelles.

Pour la circonstance, on rangeait quelques chaises devant la longue et massive table, couverte de bocaux et d’appareils. Le fourneau était derrière, tandis que des vitrines encombrées de fioles, d’échantillons de toutes sortes, entouraient la pièce. Du monde occupait déjà les chaises, des confrères du savant surtout, quelques jeunes gens, même des dames et des journalistes. On restait d’ailleurs en famille, on saluait le maître, on causait avec lui comme dans l’intimité.

Tout de suite, lorsque Bertheroy aperçut Pierre, il s’avança, lui serra la main, le conduisit devant la table, pour l’asseoir à côté de François Froment, arrivé un des premiers. Le jeune homme terminait alors sa troisième année, à l’École Normale voisine, et il n’avait qu’un pas à faire, quand il venait chez son maître, chez celui que, très respectueusement, il regardait comme le plus solide cerveau de l’époque. Pierre fut ravi de la rencontre, car ce grand garçon, aux yeux si vifs, dans sa haute face d’intellectuel, lui avait laissé une impression de charme