Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/199

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de ne rien croire ou de ne croire que l’incroyable. Sans doute monsieur Homais est ridicule, mais lui du moins reste sur un terrain solide. Et pourquoi donc ne braverait-il pas le respect humain en disant des vérités, même à monsieur de La Palice, lorsque tant d’autres le bravent, et s’en font gloire, en s’agenouillant devant l’absurde ? S’il est devenu banal que deux et deux fassent quatre, pourtant ils font bien quatre. Le dire, cela est encore moins sot et moins fou, que de croire par exemple aux miracles de Lourdes.

Étonné, François regardait le prêtre. Celui-ci s’en aperçut, se modéra. Mais, quand même, toute une désolation, toute une colère sortaient de lui, quand il parlait de la jeunesse intellectuelle, telle qu’il se l’imaginait, dans sa crise de désespérance. De même qu’il avait eu pitié des travailleurs mourant de faim, là-bas, au quartier de misère, de même ici il était plein d’un mépris douloureux pour les jeunes cerveaux manquant de bravoure devant la connaissance, retournant à la consolation d’un spiritualisme mensonger, à la promesse d’une éternité de bonheur, dans la mort souhaitée exaltée. N’était-ce pas l’assassinat même de la vie, la pensée lâche de ne pas vouloir la vivre pour elle-même, pour le simple devoir d’être et de donner son effort ? Toujours le moi se faisait centre, toujours l’individu exigeait d’être heureux par soi et en soi. Ah ! cette jeunesse qu’il rêvait vaillante, acceptant la tâche d’aller toujours à plus de vérité, n’étudiant le passé que pour s’en libérer et pour marcher à l’avenir, comme il se désolait de la croire retombée dans les louches métaphysiques, par lassitude et paresse, peut-être aussi par surmenage d’un siècle finissant, trop chargé de besogne humaine !

François s’était remis à sourire.

— Mais, dit-il, vous vous trompez, nous ne sommes pas tous ainsi à l’École… Vous ne semblez connaître que