Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/251

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personne n’entrait pour les voir et les entendre. Puis, résolue :

— Tu ne peux pas épouser Gérard.

— Pourquoi donc ne puis-je pas épouser Gérard ?

— Parce que je ne le veux pas, parce que c’est impossible.

— Ce n’est pas une raison, cela. Dis-moi la raison.

— La raison, c’est que ce mariage est impossible, voilà tout.

— Non, la raison, je vais te la dire, moi, puisque tu m’y forces… La raison, c’est que Gérard est ton amant. Mais qu’est-ce que ça fait, puisque je le sais et que je veux bien de lui tout de même ?

Ses yeux enflammés ajoutaient : « Et que c’est pour cela surtout que je le veux. » Sa longue torture d’infirme, sa rage d’avoir, depuis le berceau, vu sa mère belle, courtisée, adorée, la soulevait, se vengeait en un triomphe méchant. Enfin, elle le lui prenait donc, cet amant si longtemps jalousé !

— Tu es une malheureuse, bégaya Ève défaillante, frappée au cœur. Tu ne sais ce que tu dis et ce que tu me fais souffrir.

Mais elle dut se taire de nouveau, se redresser et sourire, car Rosemonde, accourue du salon voisin, lui criait qu’on la demandait en bas. Les portes de l’hôtel allaient être ouvertes, il fallait qu’elle fût à son comptoir. Oui, tout de suite, elle descendait. Et elle s’appuyait à la console, derrière elle, pour ne pas tomber.

— Tu sais, vint dire Hyacinthe à sa sœur, c’est idiot, de vous disputer comme ça. Vous feriez bien mieux de descendre.

Camille le renvoya durement.

— Va-t’en, toi ! et emmène les autres. Ça vaudra mieux qu’ils ne soient pas sur notre dos.

Hyacinthe regarda sa mère, en fils qui savait et qui