Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/264

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Alors, frémissant, il tâcha encore d’échapper à la cruelle explication.

— Mais, là-bas, où vous savez, c’est impossible. On connaît l’adresse.

— Eh bien ! demain, à quatre heures, dans ce petit restaurant du Bois, où nous nous sommes déjà rencontrés.

Il dut promettre, ils se séparèrent, Camille venait de tourner la tête et les regardait. Un flot de femmes assiégeaient le comptoir, et la baronne se mit à vendre, de son air de déesse mûre, nonchalante, pendant que Gérard rejoignait Duvillard, Fonsègue et Dutheil, très excités par l’attente de leur dîner du soir.

Pierre avait en partie entendu. Il connaissait les dessous de cette maison, les tortures, les misères physiologiques et morales, que cachait l’éclat de tant de richesse et de puissance. Ce n’était qu’une plaie sans cesse accrue, envenimée et saignante, tout un mal rongeur, dévorant le père, la mère, la fille, le fils, déliés du lien social. Et, pour quitter les salons, Pierre faillit se faire étouffer dans la cohue des acheteuses, qui manifestaient, en faisant un triomphe de la vente. Là-bas, au fond de l’ombre, Salvat galopait, galopait, se perdait, tandis que Laveuve, le mort, était comme le soufflet d’ironie atroce à l’illusoire et tapageuse charité.