Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/296

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admirablement les dessous de Paris, il était d’esprit net et méthodique. Mais le pli professionnel le gâtait un peu, il aurait eu plus d’intelligence s’il avait cru moins en avoir, et s’il n’avait pas eu la certitude qu’il savait tout.

D’abord, il excusa monsieur le préfet, qui serait venu certainement lui-même, si une légère indisposition ne l’avait retenu. Il valait peut-être mieux, du reste, que ce fût lui qui renseignât monsieur le ministre sur la grave affaire, qu’il connaissait à fond. Et il dit la grave affaire.

— Je crois bien, monsieur le ministre, que nous tenons enfin l’auteur de l’attentat de la rue Godot-de-Mauroy.

Monferrand, qui écoutait d’un air impatient, se passionna tout d’un coup. Les recherches vaines de la police, les attaques et les plaisanteries des journaux étaient un de ses ennuis quotidiens. Il répondit avec sa bonhomie brutale :

— Ah ! tant mieux pour vous, monsieur Gascogne, car vous alliez finir par y laisser votre place… L’homme est arrêté ?

— Non, pas encore, monsieur le ministre. Mais il ne peut s’échapper, c’est une affaire de quelques heures.

Et il conta toute l’histoire : comment l’agent Mondésir, averti par un agent secret que l’anarchiste Salvat se trouvait dans un cabaret de Montmartre, s’était présenté trop tard, lorsque l’oiseau venait de s’envoler ; puis, le hasard qui l’avait remis en présence de Salvat, arrêté à cent pas du cabaret, guettant de loin ; et, dès lors, Salvat filé, dans l’espoir de le prendre au nid, avec ses complices, Salvat suivi de la sorte jusqu’à la porte Maillot, où, brusquement, se sentant traqué sans doute, il s’était mis à galoper, pour se jeter dans le Bois de Boulogne. Il y était depuis deux heures du matin, sous la pluie fine qui n’avait pas cessé de tomber. On avait attendu le jour, afin d’organiser une battue et de lui donner la chasse,