Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/299

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mon sentiment, ayons les prêtres avec nous, et non contre nous… J’ai fait écrire à monsieur l’abbé Froment, pour qu’il vienne ce matin, un matin où je n’attends personne. Je causerai avec lui, l’affaire ne vous regarde plus.

Et il le congédiait, lorsque l’huissier reparut, en disant que monsieur le président du Conseil était là.

— Barroux !… Ah ! fichtre ! monsieur Gascogne, sortez par ici, je préfère que personne ne vous rencontre, puisque je vous demande le silence sur l’arrestation de ce Salvat… C’est bien entendu, n’est-ce pas ? moi seul dois tout savoir, et téléphonez-moi ici, directement, si quelque incident grave se produisait.

À peine le chef de la Sûreté avait-il disparu, par la porte d’un salon voisin, que l’huissier rouvrit celle de l’antichambre.

— Monsieur le président du Conseil.

Les mains tendues, avec un empressement où la déférence et la cordialité étaient dosées avec justesse, Monferrand s’avança, de son air franc et bonhomme.

— Ah ! mon cher président, pourquoi vous êtes-vous dérangé ? Je serais allé chez vous, si vous aviez hâte de me voir.

Mais, d’un geste impatient, Barroux rejeta toute préséance.

— Non, non ! je faisais aux Champs-Élysées ma promenade à pied quotidienne, j’étais sous l’empire de préoccupations si vives, que j’ai mieux aimé venir tout de suite… Vous pensez bien que nous ne pouvons rester sous le coup de ce qui se passe. Et, en attendant le Conseil de demain matin, où il faudra arrêter un plan de défense, j’ai senti que nous avions à causer ensemble.

Il prit un fauteuil, tandis que Monferrand en roulait un autre, pour s’asseoir devant lui, à contre-jour. Les deux hommes étaient en présence. Et autant Barroux, de dix