Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/304

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Dès sept heures, lorsqu’il se réveilla, brisé, dans la moiteur languissante des draps, sa première pensée fut pour elle, il faillit céder à une lâcheté. L’idée l’assaillait de courir s’assurer si elle était rentrée, de la surprendre endormie, et de faire sa paix, et d’en profiter pour la ravoir peut-être. Mais il sauta du lit, alla se tremper d’eau froide, retrouva sa bravoure. C’était une misérable, il se crut cette fois guéri d’elle à jamais. Et la vérité fut qu’il finit par l’oublier, dès qu’il eut ouvert les journaux du matin. La publication de la liste, dans la Voix du Peuple, le bouleversa, car il avait douté jusque-là que Sanier l’eût en sa possession. D’un coup d’œil, il jugea le document, les quelques vérités qu’il contenait, mêlées à l’habituel flot d’imbécillités et de mensonges. Lui, pourtant, cette fois encore, ne se sentit pas atteint : il ne redoutait réellement qu’une chose, l’arrestation de son intermédiaire Hunter, dont le procès aurait pu le mettre en cause. Comme il ne cessait de le répéter, de son air calme et souriant, il n’avait fait que ce que font toutes les maisons de banque, lorsqu’elles lancent une émission, payant la publicité de la presse, employant des courtiers, récompensant les services discrets, rendus à l’affaire. C’était une affaire, et cela, pour lui, disait tout. Du reste, il était beau joueur, il parlait avec un mépris indigné d’un banquier qui, dans un récent scandale, affolé, acculé, ruiné par le chantage, avait cru finir les choses en se tuant, un drame pitoyable, une mare de boue et de sang, d’où le scandale avait repoussé monstrueusement, en une pullulante et indestructible végétation. Non, non ! on restait debout, on luttait jusqu’à la dernière énergie, jusqu’au dernier écu.

Vers neuf heures, un tintement l’appela au téléphone particulier, posé sur son bureau. Et sa folie le reprit, l’idée le traversa que ce devait être Silviane. Souvent, elle s’amusait ainsi à le déranger, au milieu des plus