Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/313

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— Alors, quoi ? que faisons-nous ?

Mais, à ce moment, la sonnerie du téléphone tinta, et Monferrand se rendit à cet appel.

— Vous permettez ?

Pendant un instant, il écouta, il parla, dans l’appareil, sans que ses réponses, ses questions brèves pussent rien indiquer de la communication qui lui était faite. C’était le chef de la Sûreté qui, pour tenir sa promesse, lui téléphonait que l’homme venait d’être retrouvé, dans le Bois de Boulogne, et que la chasse allait être menée rudement.

— Parfait ! et n’oubliez pas mes ordres !

Puis, Monferrand, dont le plan, peu à peu élargi, se fixait enfin, dans la certitude de l’arrestation de Salvat, revint au milieu de la vaste pièce, marcha lentement, en disant avec sa familiarité coutumière :

— Que voulez-vous ? mes bons amis, il faudrait que je fusse le maître. Ah ! si j’étais le maître !… Une commission d’enquête, oui ! c’est l’enterrement de première classe, pour ces grosses affaires-là, si pleines d’abominations. Moi, je n’avouerais rien et je ferais nommer une commission d’enquête. Vous verriez, dès lors, comme l’effroyable orage s’en irait en douceur.

Duvillard et Fonsègue s’égayèrent. Mais le second surtout devina presque, grâce à sa profonde connaissance du personnage.

— Écoute donc ! si le ministère est par terre, il ne s’ensuit pas que tu y sois avec lui. Un ministère se raccommode, lorsque les morceaux en sont bons.

Monferrand, inquiet d’avoir été deviné, se débattit.

— Ah ! non, non, mon cher, je ne joue pas ce jeu-là. On est tous solidaires, que diable !

— Solidaires, allons donc ! pas avec les naïfs qui se noient exprès ! Car enfin, si nous avons besoin de toi, nous autres, il nous est bien permis de te sauver malgré toi… N’est-ce pas ? mon cher baron.