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Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/314

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Et, comme Monferrand se rasseyait, ne protestant plus, attendant, Duvillard, de nouveau à sa passion, repris de colère au souvenir du refus de Barroux, s’écria, en se levant à son tour :

— Mais certainement ! Si le ministère est condamné, qu’il tombe donc !… Que voulez-vous tirer d’un ministère où il y a un Taboureau ? Voilà un vieux professeur usé, sans prestige, qui nous arrive de Grenoble, qui n’a jamais mis les pieds dans un théâtre, et à qui l’on confie les théâtres. Naturellement, il a fait bêtises sur bêtises.

Monferrand, très au courant de la question Silviane, resta grave, s’amusa un instant à exciter le baron.

— Taboureau est un universitaire un peu terne, un peu démodé, mais qui se trouvait tout indiqué pour l’Instruction publique, où il est chez lui.

— Laissez-moi donc tranquille, mon cher ! Voyons, vous êtes plus intelligent que ça, vous n’allez pas défendre Taboureau, comme Barroux… C’est vrai, je tiens beaucoup à ce que Sylviane débute. Elle est très gentille au fond, et elle a énormément de talent. Eh bien ! vous, est-ce que vous vous mettriez en travers ?

— Moi ? Ah ! grand Dieu, non ! Une jolie fille sur la scène, ça ferait quand même plaisir à tout le monde, j’en suis sûr… Seulement, il faudrait avoir à l’Instruction un homme qui pense comme moi.

Son mince sourire avait reparu. Ce n’était vraiment pas cher, de s’assurer Duvillard et la toute-puissance de ses millions, en faisant débuter cette fille. Il se tourna vers Fonsègue, comme pour le consulter. Celui-ci, sérieusement, sentant la haute importance de l’affaire, cherchait, réfléchissait.

— À l’Instruction, un sénateur serait excellent… C’est que je ne vois personne, absolument personne, dans les conditions requises. Un esprit libre, parisien, dont la