Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/370

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yeux bruns riaient, d’une continuelle allégresse de santé et de force.

— Ah ! vous savez, vous trois, cria-t-elle, j’en ai acheté, des choses !… Venez voir ça, je n’ai pas voulu déballer mon panier à la cuisine.

Il fallut absolument qu’ils vinssent se grouper autour du panier, qu’elle avait posé sur une table.

— D’abord, du beurre. Sentez un peu si celui-là sent la noisette ! On le fait pour moi… Et puis, des œufs. Ils sont pondus d’hier, j’en réponds. Même en voici un qui est du jour… Et puis, des côtelettes. Hein ? étonnantes, mes côtelettes ! Le boucher les soigne, quand c’est moi… Et puis, un fromage à la crème, mais à la vraie crème, une merveille !… Et puis, ça, c’est la surprise, la gourmandise, des radis, de jolis petits radis roses. Des radis en mars, quel luxe !

Elle triomphait en bonne ménagère qui savait le prix des choses et qui avait suivi, au lycée Fénelon, tout un cours de cuisine et de ménage. Les trois frères, qui s’égayaient avec elle, durent la complimenter.

Mais, tout d’un coup, elle aperçut Pierre.

— Comment, monsieur l’abbé, vous êtes là ? Je vous demande pardon, je ne vous avais point vu… Et Guillaume, il va bien ? Vous nous apportez de ses nouvelles.

— Mais Père est revenu, dit Thomas. Il est là-haut, avec Mère-Grand.

Saisie, elle replaça toutes les provisions dans le panier.

— Guillaume est revenu ! Guillaume est revenu !… Et vous ne me le dites pas ! Et vous me laissez tout déballer !… Ah bien ! je suis gentille, moi, à vous vanter mon beurre et mes œufs, lorsque Guillaume est revenu !

Justement, celui-ci descendait de la chambre, avec la grand’mère ; et elle courut gaiement, lui tendit les deux joues, pour qu’il y posât deux gros baisers ; puis, elle lui