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Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/396

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et fine, qu’un rire de jeunesse égayait quand même par moments.

Pierre était là, avec Marie, très touchés tous les deux. Il y avait aussi, aidant Mère-Grand à faire les raccommodages de la maison, madame Mathis, la mère du petit Victor, qui consentait à aller ainsi en journée, dans quelques familles, ce qui lui permettait de donner parfois une pièce de vingt francs à son fils. Mais Guillaume seul interrogea madame Théodore.

— Ah ! monsieur, bégaya-t-elle, qui aurait jamais cru Salvat capable d’une pareille affaire, lui si bon, si humain ? C’est pourtant vrai, puisque lui-même a tout conté au juge… Moi, je disais à tout le monde qu’il était en Belgique. Je n’en étais pas bien certaine, et j’aime mieux qu’il ne soit pas revenu nous voir, parce que, si on l’avait arrêté chez nous, ça m’aurait fait une trop grosse peine… Enfin, maintenant qu’ils le tiennent, ils vont le condamner à mort, c’est sûr.

Céline, qui avait regardé autour d’elle, intéressée, se lamenta brusquement, avec de grosses larmes dans les yeux.

— Oh ! non, oh ! non, maman, ils ne lui feront pas du mal !

Guillaume l’embrassa, continua ses questions.

— Que vous dirai-je ? monsieur, la petite est encore incapable de travailler, moi je n’ai plus d’yeux, on ne veut plus même me prendre pour faire des ménages. Alors, c’est tout simple, on crève de faim… Sans doute, je ne suis pas sans famille, j’ai une sœur très bien mariée, à un employé, monsieur Chrétiennot, que vous connaissez peut-être. Seulement, il est un peu fier, et pour éviter des scènes à ma sœur, je ne vais plus la voir, d’autant plus qu’elle est désespérée en ce moment d’être retombée enceinte, ce qui est une vraie catastrophe dans un petit ménage, quand on a déjà deux filles… Et voilà