Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/398

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pitié, tandis que Mère-Grand se levait pour monter visiter ses armoires, ayant eu l’idée de donner un peu de linge et quelques vieux vêtements à ces deux misérables créatures. Guillaume, ému jusqu’aux larmes, révolté contre un monde où pouvaient se produire de telles infortunes, glissa son aumône dans la petite main de la fillette, en promettant à madame Théodore d’aller s’entendre avec son propriétaire, afin qu’il leur rendît leur chambre.

— Ah ! monsieur Froment, reprit la malheureuse, Salvat avait bien raison de dire que vous étiez un brave homme… Et vous le savez aussi, que lui n’est pas un méchant, puisque vous l’avez employé pendant quelques jours… Maintenant qu’il est en prison, tout le monde parle de lui comme d’un bandit, et ça me fend le cœur.

Puis, se tournant vers madame Mathis, qui avait continué de coudre effacée et discrète, de l’air d’une honnête bourgeoise que toutes ces choses ne devaient point regarder :

— Je vous connais, madame, et je connais surtout votre fils monsieur Victor, qui est venu souvent causer chez nous… N’ayez pas peur, ce n’est pas moi qui le dirai, car je ne compromettrai jamais personne. Mais, si mondieur Victor pouvait parler, il n’y a que lui qui expliquerait bien les idées de Salvat.

Stupéfaite, madame Mathis la regardait. Dans son ignorance de la vraie existence et des vraies pensées de son fils, elle restait saisie, confusément terrifiée, à l’idée d’un lien possible entre lui et de telles gens. D’ailleurs, elle n’en voulut rien croire.

— Oh ! vous devez vous tromper… Victor m’a dit qu’il ne venait presque jamais plus à Montmartre, toujours en voyage pour du travail.

Au son inquiet et frémissant de la voix, madame Théodore comprit qu’elle n’aurait pas dû mêler ainsi cette