Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/399

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dame à ses tristes affaires ; et, tout de suite, humblement, elle s’effaça.

— Je vous demande pardon, madame, je ne croyais pas vous blesser. Peut-être bien que je me trompe.

Doucement, madame Mathis s’était remise à coudre, comme si elle se fût hâtée de rentrer dans sa solitude, dans le coin de misère décente, où, seule, ignorée, elle mangeait à peine du pain. Ah ! son cher fils adoré, il avait beau la négliger beaucoup, elle n’espérait plus qu’en lui, il restait son dernier rêve, toutes sortes de bonheurs dont il la comblerait un jour !

Mère-Grand redescendit, chargée d’un paquet de hardes et de linge, et ce fut avec des remerciements sans fin que madame Théodore et la petite Céline se retirèrent. Longtemps après leur départ, Guillaume se promena de long en large, ne pouvant se remettre au travail, muet, le front barré de rides.

Le lendemain, lorsque Pierre revint, toujours hésitant et torturé, il eut la surprise d’assister à une visite d’une autre sorte. Un coup de vent entra, des jupes volantes, des rires en fusée, et c’était la petite princesse Rosemonde, que le jeune Hyacinthe Duvillard, correct et froid, suivait.

— C’est moi, cher maître, je vous avais promis ma visite, en élève que votre génie passionne… Et voici notre jeune ami, qui a bien voulu m’amener, dès notre retour de Norvège, car ma première visite est pour vous.

Elle se tournait, saluait à l’aise, très gracieusement, Pierre et Marie, François et Antoine, qui se trouvaient là.

— Oh ! la Norvège, cher maître, vous n’avez pas idée d’une telle virginité ! Nous devrions tous aller boire à cette source neuve d’idéal, nous en reviendrions tous purifiés, rajeunis, capables des grands renoncements.

La vérité était qu’elle y avait passé des jours mor-