Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/404

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aimable, s’approcha de la jeune fille, admira la merveilleuse finesse d’une broderie qu’elle terminait. Et elle ne voulut point partir sans emporter un autographe de Guillaume, sur un album qu’Hyacinthe dut aller chercher dans la voiture. Il lui obéissait avec un visible ennui, tous deux déjà las l’un de l’autre ; mais, en attendant quelque autre caprice, elle le gardait, elle s’amusait encore à le terroriser ; et, quand elle l’emmena, après avoir déclaré au maître que ce jour demeurerait pour elle une date mémorable, elle les fit tous sourire, en disant :

— Ah ! ces jeunes gens ont connu Hyacinthe au lycée… N’est-ce pas que c’est un bon petit garçon, et qui serait même gentil, s’il voulait bien être comme tout le monde ?

Le jour même, Janzen et Bache vinrent passer la soirée chez Guillaume. Les réunions intimes de Neuilly continuaient à Montmartre, une fois par semaine. Pierre, ces jours-là, ne s’en allait que très tard ; et l’on causait sans fin dans l’atelier, ouvert sur le Paris nocturne, étincelant de gaz, dès que les deux femmes et les trois grands fils étaient montés se coucher. Théophile Morin arriva vers dix heures, retenu par des corrections de compositions, toute une lourde besogne pédagogique, sans nul intérêt, qui parfois lui prenait ses nuits.

— Mais c’est une folle ! s’écria Janzen, dès que Guillaume leur eut conté la visite de la princesse. Un instant, lorsque je me suis lié avec elle, j’avais espéré l’utiliser pour la cause. Elle paraissait si convaincue, si hardie !… Ah ! oui, elle n’est que la plus détraquée des femmes, simplement en quête d’émotions nouvelles.

Le sang aux joues, il sortait enfin de sa froideur accoutumée, du mystère dont il s’enveloppait. Sans doute, il avait souffert de sa rupture avec celle qu’il appelait autrefois la petite reine de l’anarchie, et dont la fortune, les relations si nombreuses et si mêlées, devaient lui avoir